Robert SaporteRobert Saporte, Docteur d'état, qui a, pendant longtemps, activement participé aux activités des "étudiants" du caf de Toulouse ( des années 1960 ) vient de nous quitter. Robert avait 102 ans; il s'est éteint pendant son sommeil. 

Voici un texte rédigé par Philippe Faury qui "campe" bien le personnage attachant qu'était Robert Saporte

Robert Saporte - 18-05-1920 ; 14-06-2022

Dans les années 60, les « étudiants » du Club Alpin français, section de Toulouse, majoritairement inscrits à la toute nouvelle faculté des sciences à Rangueil, fréquentaient assidument les Pyrénées et le massif du Caroux ( dans l'Hérault). Un « ancêtre » ( il avait vingt ans de plus que nous ) était souvent présent : il s'agissait de Robert Saporte, docteur d'état, qui, mal vu par la hiérarchie, à cause de certaines facéties ( qu'il n'avait peut être pas commises ), occupait un poste tout à fait subalterne à la faculté des sciences.

Robert était parfaitement intégré dans le groupe des « étudiants » d'une part en raison de ses aptitudes physiques mais aussi, et peut être surtout, grâce à son robuste sens de l'humour et de la dérision. Il n'était pas le dernier à suggérer ( ou à participer ) à des tours pendables. Quelques exemples : A l'occasion d'un camp de ski dans les Pyrénées Atlantiques, il avait embarqué avec lui une lunette de W.C. dont il comptait honorer la statue du hussard Guindey : Dans les armées de Napoléon 1°, ce guerrier était devenu célèbre pour avoir tué le Kron Prinz « d'un hardi coup de pointe » comme indiqué sur le monument érigé à Laruns, sa ville natale. Ce sacrilège a été évité de peu : Un ivrogne toulousain s'est, de lui même, paré de la lunette dont le hussard a été privé.

Nous avons lancé des « ballons sonde » depuis les arêtes du Caroux : Lors d'une violente rafale de vent, le « professeur » n'a eu la vie sauve que grâce à une solide assurance...

Un onze novembre, muni d'un drapeau tricolore « emprunté » à un monument aux morts et porté par un royaliste notoire ( Jean Régis Ramière de Fortanier ) nous avons gravi la Viallat. Au sommet, Robert s'est vu remettre les insignes d'initiateur d'escalade. La descente fut laborieuse dans un terrain broussailleux : Robert fit un salto avant ( qui lui permit de voir, à l'envers, les cimes environnantes ) et atterrit, sans dommage entre deux cailloux sur l'unique plaque d'herbe.

Les fonctions de « conseiller technique » chez un artificier toulousain, lui avaient valu, en famille, le surnom de Tonton Boum ( allusion au général de la Grande Duchesse de Gerolstein ) et, pour les Cafistes, la fonction de fournisseur de feux de Bengale, d'artifice et de toro de fueguo qu'il dispensait généreusement à l'occasion des mariages. Le C.A.F. agence matrimoniale ?

Un soir à Gavarnie, après le repas, Robert m'avait proposé de l'accompagner jusqu'à sa voiture pour ramener des pétards et autres explosifs. A ma demande : « faut il prendre une lampe ? » il m'avait répondu : « il y a des torches ». Les sacs remplis, la nuit tombée (sans se faire de mal) , nous avons allumé une torche. La torche éblouit celui qui la tient et éclaire mal l'environnement. Nous avons failli bivouaquer dans la Prade Saint Jean à proximité du camp endormi...

La révolution de 1968 a singulièrement amélioré le statut de Robert : En six mois, grâce à la mobilisation de nombre d'enseignants ulcérés du traitement qui lui était réservé, il est devenu professeur, titre que lui donnaient déjà, et depuis longtemps, ceux qui le connaissaient bien. Il tenait à bout de bras le laboratoire de physique du globe. La salle des travaux pratiques et du labo photo était son domaine. Nous étions quelques uns à en détenir « la » clef pour tirer nos photos...

Sa carrière de fonctionnaire s'est terminée sur deux pirouettes : Comment aurait il pu en être autrement ? Un mois de septembre, à la veille de la rentrée, Robert m'avait dit que la fac lui pesait. Il m'avait indiqué qu'il avait les annuités requises pour demander la retraite ; mais ayant commencé à travailler avant la création de la Sécurité Sociale : Il lui « manquait » deux ans. A cette époque, on pouvait « racheter », pour une bouchée de pain, les années manquantes et cette dépense était déductible du revenu imposable. Une fois renseigné, Robert à racheté les trimestres qui lui manquaient et à demandé sa retraite. Fidèle à sa vocation, l'administration n'a rien dit au « patron » de Robert, qui a appris, lors du pot de fin d'année, le départ définitif de Robert la semaine suivante.

La salle des T.P. était le repaire de Robert qui y exécutait de nombreux travaux : il y a eu

une période où des pièces de carrosserie, en cours de peinture, séchaient dans les placards. Des « manips » pyrotechniques étaient en cours ; on construisait des « carrousels » feux d'artifice...

Lors d'une expédition en Ariège, Robert avait trouvé un sac qui semblait abandonné depuis quelque temps. Il avait remis ce sac à un agriculteur du coin. Ce dernier a reconnu le sac d'un curé local qui avait disparu quelque temps auparavant. Le sac une fois ouvert, a confirmé être celui du curé disparu. Ultérieurement, une battue a permis de retrouver les ossements du défunt. Chaque fois que Robert, ou ses amis, trouvaient un os en montagne, c'était un « os de curé ». Ces trouvailles étaient remises à Robert qui, à l'encre de chine, inscrivait : « Curé du Montcalm, du Maupas»...

Une fois Robert parti pour une retraite bien méritée, un garçon de salle a entrepris de mettre un peu d'ordre dans la salle des travaux pratiques. Il est tombé sur un carton avec la mention : « os de curé ». Les genoux tremblants, le garçon a soulevé le couvercle : Il y avait plein d'os, tous de curé et avec des dates différentes... De retour au service administratif du labo, le garçon de salle a fait son rapport. Il a été très étonné de découvrir l'origine de ces pièces et de s'entendre dire :
« Passez donc un coup de fil à M. Saporte et demandez lui de vider ses tiroirs »...

Robert n'était pas qu'un aimable savant cosinus : Sur le plan scientifique, Robert était un puits de savoir. Son sens pratique lui permettait de mettre au point et de conduire tout un tas d'expériences, sans jamais se mettre en avant ni se prendre au sérieux. Ses nombreux élèves gardent de lui un souvenir lumineux.

Ses compétences de montagnard étaient unanimement reconnues. Il a arpenté les Pyrénées dans tous les sens. Pour son quatre vingtième anniversaire, le Néouvieille à ski était au programme. Pendant les vacances, quand il était à Chamonix, il faisait de nombreuses courses en montagne et toujours de bon niveau avec Jean Régis ( le royaliste qui avait porté le drapeau tricolore au sommet de l'aiguille Viallat ). Son sens de l'itinéraire leur a souvent évité des mésaventures.

Je ne l'ai jamais entendu se plaindre ; que ce soit de l'inconfort d'un relai ou d'un bivouac ; des mesquineries qu'il a longtemps subi à la fac ou même de la perte d'Hélène, sa fille unique. Il avait fait sienne la maxime d' Epictète : « Supporte et abstiens toi ».

En tant qu'ancien élève et compagnon de course, je veux te dire : merci Robert pour tout ce que tu as fait autant pour la science que pour tous tes amis ou ta famille.

Ph. Faury

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