Ce quatrième jour du tour de la Meije est mythique, au sens où la traversée entre le refuge du Promontoire et le refuge de l'Aigle fait partie des grandes courses des Alpes, tous massifs confondus.
Au pied du refuge du Promontoire, la course démarre dans des pentes qui conduisent à un couloir, particulièrement sec cette année, qui longe la paroi du Râteau et qui aboutit à la brèche de la Meije, à 3357 m. On bascule alors du versant sud du massif au versant nord.
Le paradoxe de cet endraoit tient au fait que, contrairement aux jours précédents, on voit la vallée, la Grave et les villages alentour, les prairies, mais qu'on est bien en haute montagne ! comme à Chamonix..
La descente côté nord se fait parfois à skis... quand les pentes (soutenues) sont enneigées, ce qui est loin d'être le cas ! On peut aussi tirer un rappel pour prendre pied sur le glacier. Mais nous choisissons de suivre un cheminement à flanc de paroi, une sente, en somme, qui nous amène progressivement sur le glacier. Encore une fois, l'exposition est forte, l'erreur interdite.
Une première descente de 200 m à peine, en traversée sous la face nord de la Meije, nous amène à un replat (ravagé par une chute de sérac), où nous mettons les peaux pour une montée, toujours en traversée, de 250 m.
L'impression que laisse la proximité de cette rugueuse face nord de 800 m est inexprimable.. On fait silence comme dans une cathédrale.. Nous ne nous encordons pas, à l'exemple de tous les groupes avec guides, car la trace est bien marquée (souvent trop raide ! Il existe d'excellents stages pour apprendre à faire la trace !!), et les crevasses sont bien bouchées.
L'exposition maximale concerne la section suivante, et c'est une descente qui mène au pied d'un fameux couloir : le Serret du Savon. Durant 15 mn peut-être, nous sommes directement exposés à la gigantesque barre de sérac perchée à 3700 m, et dont nous voyons (et parfois heurtons) des bouts de glace bleue tombés au fil des jours. Ce qui est redouté, c'est une avalanche de séracs, qui balayerait tout sur son passage. Heureusement, la probabilité est faible, et tout se passe bien.
Le serret du Savon, c'est une entaille en biais, entre 2 parois, sur 250 m de dénivelé. Si on compte 4 pas pour monter d'un mètre (en crampons, évidemment), ça fait peut-être 1000 marches. Alors on prend le rythme, et on coordonne les pas et l'ancrage du piolet.. chacun à son rythme.. à ce jeu-là, Jean-Pierre dévoile des capacités insoupçonnées, et il débouche en deuxième position au sommet du couloir, au soleil !
Contraste avec le glacier du Tabuchet, plutôt débonnaire à cet endroit, qui nous accueille après cette montée à l'ombre, dans une ambiance de Mordor..
Nous traversons alors jusqu'à un petit belvédère qui domine le refuge de l'Aigle, où nous n'aurons plus qu'à nous laisser glisser.. Les glaciers sont secs, les arêtes sont sèches, la glace vive apparaît partout, comme début juillet. Les glaciers vont encore souffrir cet été..
Le refuge de l'Aigle, cabane historique et symbolique des refuges d'altitude, a été refait récemment. Très intelligemment, en réutilisant des matériaux de l'ancien refuge (poutres), mais en introduisant une fraîcheur agréable (bois clair), et un aménagement optimisé des dortoirs sur 3 étages, avec échelle de coupée, filets(comme sur un catamaran), coursive suspendue.. On se croirait au port !
Et que dire de l'isolation, qui a fait l'objet de soins particuliers.
Le gardien est un musicien cool et sympa, bon cuisinier, toujours prêt à rendre service. Décidément, **** pour ces refuges de l'Oisans !
A l'heure du coucher (du soleil), chacun se précipite sur la terrasse, tellement le spectacle est beau ! les appareils photos crépitent, on n'en perd pas une miette..
Demain est le denier jour de ce raid, on va essayer d'en profiter..
Les photos de ce 4ème jour :