Il est souvent compliqué d'organiser un raid à skis.

La météo perturbée de cet hiver rendait aléatoire l'organisation d'un raid itinérant de refuge en refuge, avec les risques de devoir annuler des étapes, de modifier les itinéraires et les réservations, et tous les aléas que cela comporte..

Mais la Providence fait bien les choses.. En l'occurrence, la proposition de Muriel de nous accueillir dans son chalet à Tignes va transformer ce projet de raid en semaine de randos en étoile, avec un confortable camp de base. Confortable, le mot est faible : 3 étages, 12 couchages, une intelligente combinaison de tradition (bois, pierre, lauzes..) et de modernité (luxueuse !), bref, une merveille au coeur de la Haute Tarentaise ! Pour accompagner cette opportunité de logement exceptionnelle, la météo nous accorde la première semaine anticyclonique de l'hiver !

il ne restait donc plus qu'à concocter un programme digne des circonstances, en prenant en compte le niveau du groupe et les conditions du moment.

Le groupe est constitué de 8 personnes, dont une partie était déjà présente l'an dernier pour le tour de la Meije : Jean-Pierre, Xavier, Cécile, Vincent, Damien, Thierry, Jean-Luc et moi. Muriel nous accompagnera à différentes occasions, et ce sera pour son fils cadet Maxence l'opportunité de faire sa première sortie en skis de rando..

Premier jour : boucle col de la Sachette - col du Palet - aiguille percée

L'enneigement exceptionnel de cet hiver (encore plus que dans les Pyrénées, ce n'est pas peu dire !) rend possible un départ skis aux pieds du village des Boisses. Nous nous engageons dans le vallon de la Sachette, juste sous le dôme de la Sache, 3588 m. Et oui, ici les montagnes sont XXL ! Le vallon est à l'échelle des secteurs de la Haute Tarentaise : long, et magnifique. Le col, à 2713 m, est dominé par les Rochers Rouges 3003 m, et une élégante aiguille au rocher ocre. Le col donne accès, à l'ouest, au Plan des Eaux, que j'ai parcouru il y a deux étés pour moissonner quelques sommets alentour.

Pour l'heure, la descente commence avec une bonne dose de poudreuse, et s'achève par une pente soutenue en neige dure, mais dont le grain accroche bien. Pause avec vue sur le Mont Pourri 3779 m, une course d'ampleur à skis (réalisée il y a une quinzaine d'années), mais ce ne sera pas pour cette fois..

La remontée vers le col du Palet nous permet d'admirer le dôme des Pichères 3324 m, tandis qu'un voile d'altostratus se met en place. Nous découvrons la station de tignes derrière le col. Notre projet de traversée descendante va se trouver contrariée par moult filets et aménagements hostiles, ce qui nous vaudra un peautage de plus. Non, je ne l'ai pas fait exprès pour faire tourner le compteur à dénivelé !

La remontée vers la crête de l'aiguille Percée se fait sous une chaleur printanière +++ que nous n'aurons plus de la semaine. Le soleil est revenu et la couleur unique sera désormais le bleu azur..

Retrouver le vallon de la Sachette par ces pentes nord est le plus beau cadeau de cette fin de rando : chacun s'en donne à coeur joie, en arabesques plus ou moins régulières..

Nous retrouvons notre hâvre de paix aux Boisses : il est temps, pour les cuisiniers, bricoleurs, farteurs, etc., de dévoiler leurs talents !

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Deuxième jour : pointe de la Sana (antécime)

Découvrir la vallée de la Leisse, depuis la station de Tignes (Val Claret), exige de se lever assez tôt, car l'itinéraire naturel conduit à remonter une piste au départ. Il faut donc le faire avant que les premiers skieurs à forfait ne descendent.

9h, nous sommes déjà sous la Grande Motte, vers le col de la Leisse, à 2760 m. L'idée du jour est de monter vers la pointe du Génépy (3139m) au nom si savoureux.. Mais en envisageant de loin ce sommet, l'antécime nord de la pointe de la Sana nous paraît encore plus alléchante : un beau triangle de neige qui se poursuit par une arête effilée.. Nous poussons donc plus loin pour atteindre le col de la Sana, à 3072 m. Vue majestueuse, le mot n'est pas trop fort, à l'ouest sur Grande Motte, Grande Casse, glaciers de la Vanoise, et à l'est sur tous les sommets du secteur de Val d'Isère et, au-delà, de la crête frontière avec l'Italie.

Il nous reste bien 250 m à gravir pour atteindre le point le plus haut skiable, avant que l'arête vers le sommet de la Sana ne soit trop "alpinistique".

Je me méfie, car la pente est chargée, et le travail du vent n'est que trop évident. Mais l'ensoleillement depuis plusieurs jours a heureusement stabilisé le manteau neigeux. La pente étant soutenue, nous terminons en crampons. Belle ambiance ! Le point haut est si étroit que nous devons nous y relayer. Comme j'avais fait prendre des distances de délestage importantes, le temps que je descende au point de départ du cramponnage, le dernier, Xavier, démarre à peine !

Une fois réunis, nous basculons côté est dans un immense vallon préservé de la mécanisation, entre Tignes et Val d'Isère : merci le Parc National ! Des arabesques à n'en plus finir, encore et encore.. Mais nous ne descendrons pas à Val, il faut revenir à Tignes ! La dernière montée de la journée se fera sous couvert de quelques brumes bienvenues, elles créent une atmosphère irréelle tout en nous protégeant de la chaleur.. Le col visé est dominé par le pointe de Grand Pré, nous ne saurions passer sans la visiter ! Un autre "3000" ça ne se refuse pas ! D'autant plus que l'arrivée sous le sommet, sur une croupe perchée au-dessus d'une mer de nuages éphémère d'où émerge la Grande motte, est l'un des plus beaux paysages qui puisse s'imaginer.. Après ça, on peut mourir.. Enfin, pas tout de suite, ne nous emballons pas !

Une dernière descente nous ramène à Val Claret. Nous aurons bien mérité notre bon repas du soir !

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Troisième jour : hold-up des 2 cols

Muriel nous accompagne aujourd'hui, et c'est l'occasion pour elle, ayant à disposition une brochette d'experts sous la main (hi hi !), d'initier son fils Maxence à notre noblre activité.

Départ de Val d'Isère, le Fornet précisément.

Par un subterfuge dont je ne dévoilerai pas les détails, nous voilà très vite à 3200 m. Que notre généreux sponsor la Compagnie des Alpes en soit remercié ! Depuis ce point déjà fort haut, nous nous élevons jusqu'au col supérieur de l'Ouille Noire, que nous franchissons d'ouest en est. Descente de toute beauté en versant est. A cette altitude, la neige est encore froide malgré plusieurs jours d'ensoleillement, magie des Alpes !

La deuxième montée nous amène à franchir le col de Montet, à 3185 m.

C'est alors une descente de 1200 m qui nous tend les bras, orientation essentiellement nord. Nous plongeons vers le refuge de Prarion, mais en le laissant à main droite pour nous engager dans les bien nommées gorges de Malpasset : un vrai coupe-gorge, déversoir de toutes les avalanches du secteur.. Pas de pause photo ou pipi ! On fonce, un par un ! Tout se passe bien, et Maxence aura mérité son diplôme de skieur de rando !

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Quatrième jour : refuge du Ruitor et col de la Sassière

L'idée de passer au moins une nuit en refuge d'altitude a fait son chemin. Je propose donc une course que j'ai effectuée l'été, à pieds : la tête de Ruitor 3486 m. Cette course est un "must" du coin. Le sommet se situe en Italie, et le glacier du Ruitor est l'une des plus vastes étendues glaciaires du massif.

Départ depuis la route de l'Ecot, skis aux pieds, vers 1200 m.. Oui, 1200 m ! Des langues de neige nous permettent de nous élever quasiment sans déchausser, en empruntant la route d'été, qui traverse notamment le joli hameau de l'Ecot, désert en cette saison. Derrière nous, à l'ouest, la Sache et le Mont Pourri dévoilent leurs glaciers et leurs arêtes au fur et à mesure que nous nous élevons..

A 2000 m, après le franchissement d'un verrou glaciaire, nous atteignons le refuge du Ruitor. Refuge privé abondamment pourvu en panneaux solaires, autonome en énergie. Nous nous délestons de quelques affaires pour poursuivre notre ascension vers le col de la Sassière, niché entre la Becca du Lac (3405 m) et le Bec de l'Ane (3213 m). Que des belles pentes orientées ouest, avec un verrou un peu plus raide, ça promet pour la descente !

Du col, vue originale sur les Alpes italiennes, avec de fiers sommets que nous identifions à peu près, notamment l'aiguille de la Grande Rousse 3607.

Seuls au monde encore et toujours, nous profitons de l'étendue des pentes qui s'offrent à nos spatules pour inscrire nos signatures sur ce manteau neigeux décidément abondant et généreux.. Muriel nous quitte pour rejoindre la vallée, tandis que nous abusons des transats du refuge pour parfaire notre bronzage..

Soirée agréable au refuge, quoique certains estomacs aient eu un petit creux.. après le repas.. Même remarque.. après le petit déjeuner.. Il faudra penser, Monsieur le gardien, à augmenter un peu les rations..

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Cinquième jour : Becca du Lac et Tête de Ruitor

Vous connaissez le bruit des couteaux sur la neige dure ? "cric, cric, cric".. Nous l'avons entendu longtemps, ce bruit, en remontant le long vallon de l'Invernet.. Puiis nous sommes passés au "crouic-crouic-crouic" des crampons, pour franchir la dernière pente à 40° qui mène au plateau glaciaire du Ruitor.. Alors seulement nous avons eu droit à notre ration de soleil, et nous sommes passés d'un monde vertical (en tout cas bien penché) à l' univers quasiment plat le glacier du Ruitor, qui domine le plateau là-bas, au sud-est..

Mais nous faisons un détour par la Becca du Lac, d'une part parce que l'arête finale est de toute beauté, d'autre part parce que la vue plongeante sur la vallée côté français ne s'admire que de son sommet, et enfin parce que c'est la première occasion de dépasser l'altitude des Pyrénées : en effet, la Becca du Lac culmine à 3405 m, soit 1 mètre de plus que l'Aneto !

Traversée du glacier, et montée à la Tête de Ruitor, 3486 m, où la Vierge nous attend. Congratulations, photos, vue majestueuse sur l'Italie, il faudrait un atlas pour identifier tous les sommets visibles d'ici !

Première descente en neige froide versant nord, avant de regagner l'entrée du vallon de l'Invernet. Ce passage redouté peut être contourné par le col du Grand, mais le soleil a suffisamment léché les pentes pour que pas un d'entre nous ne redoute cette grande pente à 40° ! Chacun se découvre des qualités de skieurs incroyables ! Les pentes qui suivent nous permettent à nouveau de donner libre cours à nous godilles ou grandes courbes préférées..

Halte rafraîchissante au refuge, et c'est le retour par la vallée de l'Ecot.

Le repas à base de fromage local (comme presque tous les soirs) sera honoré comme il se doit à la Tchaïkhana (c'est le nom du chalet de Muriel) !

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Sixième jour : pointe d'Archeboc

Pas de pause, pas de jour de repos : le bagne ou presque ! Nous nous levons encore tôt pour remonter une vallée située au-dessus de Ste Foy Tarentaise. Direction la pointe d'Archeboc (3272 m), dont j'ai souvent entendu parler ; une classique de la Haute Tarentaise.

L'enneigement abondant du moment nous joue un tour : la route que nous pensions dégagée est enneigée et très vite impraticable. L'heure perdue nous coûtera cher plus tard..

De hameau en alpage, nous parvenons au Plan, un plateau à 2200 m. De là, les possibilités de rando sont nombreuses. Nous découvrons la chute de séracs du glacier des Balmes : impressionnante, entourée par d'inexpugnables parois !

De vallon en micro-relief, nous en parcourons, de la distance ! Finalement, vers 2900 m, compte tenu de la chaleur ambiante, je décide de descendre sans être allés au sommet. La sécurité avant tout ! Cette option nous permet une nouvelle fois de profiter d'une très belle descente. Parvenus à nouveau au Plan, nous remontons même quelques centaines de mètres en versant nord pour éviter le plat et prolonger le plaisir de la descente.

Les derniers alpages et les hameaux rencontrés, sous le regard du Mont Pourri et du Dôme de la Sache, achèvent de nous combler des belles images..

Jean-Pierre, Jean-Luc, Xavier et Thierry nous quittent ce soir, et Stéphane arrive..

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Septième jour : pointe sud de Bézin

La commande du jour : ne pas se lever trop tôt ! Les troupes seraient-elles fatiguées ? Pourtant nous n'avons accumulé que 9000 m de dénivelé depuis le début de la semaine !

Bon, soit ! Départ de Val d'Isère vers la vallée du Fond des Fours. Je me souviens que JT Ara, ancien gardien du refuge des Oulettes de Gaube, avait quitté les Pyrénées pour aller garder ce refuge. C'est qu'il doit avoir quelque intérêt ! JT est sans doute maintenant en retraite, mais ça mérite une petite visite.

Tous les refuges devraient ressembler à ça ! Structure bois, toit de tavaillons, plusieurs petits chalets qui font ressembler le refuge à un hameau. JT n'est pas là, mais 2 charmantes gardiennes accueillent chacun avec un grand sourire.. Pour fêter l'arrivée de Stéphane, cidre frais pour tout le monde ! Grand merci !

Au-delà du refuge, nous découvrons la pointe de Méan Martin, à 3330 m. Derrière, c'est la Haute Maurienne, un secteur que j'ai déjà visité, mais pas complètement. Tiens, ça me donne des idées pour plus tard..

Nous bifurquons à l'est vers le col de Bézin. De là, crampons et piolet pour les dernières pentes qui mènent à la pointe sud de Bézin (3061 m), histoire de mettre un peu de piment dans la sortie ! Etonnamment, le sommet est plat et sec.. Beau belvédère, d'où nous mitraillons à 360 ° à grands coups de pixels..

Première descente plein nord, dans une pente soutenue qui ne nous déçoit pas ! Puis nous enchaînons les vallons pour rejoindre Val d'Isère. Aucune routine dans ces enchaînements de belles descentes, mais on deviendrait vite exigeants et difficiles si la neige devient lourde ou à peine moins bonne !

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Que dire de cette semaine ? Nous avons bénéficié d'un hébergement de rêve, nous avons profité de la première semaine anticyclonique de l'année, nous avons réalisé une belle course chaque jour, nous avons parcouru plus de 150 kms, avec plus de 10 000 m de dénivelé..

Un immense merci à Muriel pour nous avoir fait bénéficier de son splendide chalet savoyard, et à chacun des participant.e.s pour l'ambiance de groupe qui a régné cette semaine !

Décidément, j'aime la Haute Tarentaise !

 

 

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