Pour répondre à la volonté de perfectionnement que peuvent avoir les adhérents du CAF de Toulouse, j'ai proposé une sortie sur rocher en plein milieu de l'hiver. Puisque les sorties proposées à cette période par les encadrants en alpinisme ont toutes un lien avec l'élément "neige" ou "glace", certains pourraient ne pas comprendre comment on peut pratiquer un alpinisme estival dans ces conditions. A l'heure où je rédige ce compte-rendu, les yeux de tous sont rivés sur les bulletins météo à venir en espérant des précipitations sur la chaîne dans le but de voir le manteau neigeux s'épaissir et l'avènement des conditions adéquates pour telle ou telle course.

Pourtant, il existe quelques endroits où les conditions sont réunies pour pratiquer un alpinisme estival, même au tout début de mars. L'inclinaison de notre planète par rapport au soleil à cette période de l'année implique que la puissance de ses rayons est affaiblie. Ceci à un effet bénéfique direct sur la sudation du grimpeur (en particulier ses doigts) et sur son besoin d'hydratation. Il ne manque à ce climat froid qu'un ciel bleu et ensoleillé, une absence de vent et c'est ainsi que les conditions parfaites sont réunies pour passer de très agréables moments sur les parois calcaires en face sud dont le nord de l'Espagne est richement parsemée.

Jeudi soir, partis vers le sud pour notre rendez-vous au bar de Puente de Montañana, Victor venu de Montpellier et moi-même de Toulouse, faisons connaissance à la nuit tombante, à une heure où il commence à être compliqué de lire disctinctement le topo de Luis Alfonso sans frontale. Puisque l'orientation des parois de Catalogne (SO) et d'Aragon (S) ne sont pas les mêmes, nous optons pour les meilleurs conditions, du côté où la paroi reçoit les rayons du soleil pendant la plus longue partie de la journée, sur la paroi d'Aragon à Montrebei.

Nous décidons d'une voie classique et d'un niveau modéré pour notre cordée naissante : Cistus Albidus, 470m, 6a, V+obl, 13 longueurs.

Après une nuit fraiche, nous enfilons des couches de vêtements pour déjeuner avant de les enlever pour éviter le début de suée dans l'approche. Nous arrivons au pied de la paroi après 40min d'approche à un rythme adéquat pour réveiller le corps avant le début des difficultés. Cette voie de 1980 parcourt la paroi de manière sinueuse avec d'importantes longueurs de transition permettant d'expérimenter la recherche d'itinéraire. Le rocher est plutôt bon avec quelques sections de vigilance. La voie traverse une paroi de calcaire gris sur les trois quarts et un impressionnant calcaire orangé dans le quart supérieur. Pendant l'ascension, notre regard vers la suite de l'itinéraire vient buter frontalement avec ces impressionnants toits oranges qui laissent croire à une sortie impossible vers le haut. Pourtant, en se rapprochant de l'issue, on découvre une dernière longueur spectaculaire en traversée ascendante qui contourne la barrière des toits. Nous sortons au sommet à 15h après 5h30 d'ascension.

Une fois revenus au bivouac, nous profitons de quelques heures d'un bonheur simple : la chaleur des rayons du soleil tape sur les couches de vêtements et fait monter la température du corps. Cette phase chaude disparait au moindre léger coup de vent. La température baisse brutalement de quelques degrés, en une seconde. Tout juste assez pour éviter la transpiration, goûter du bout des lèvres au froid de l'hiver jusqu'à l'instant suivant, d'absence de vent, où les vêtements vont de nouveaux bouillonner de chaleur sous les rayons. Bref, une superbe expérience "d'instant présent". Nous en profitons pour sonder, évaluer et méditer les possibilités qui s'ouvrent à notre cordée au regard du déroulement de la journée passée.

Nous irons dans une voie appelée El Desliz, 600m, 6c, 6a obl, 13 longueurs.

Puisqu'elle est d'un niveau au dessus et un peu plus longue, nous avançons notre départ d'une heure par rapport à la veille. Au bout d'un peu plus d'une heure d'approche à se faufiler entre les arbustes, on arrive au pied de d'un dièdre coloré d'aspect un peu sale, en 6a+. Plus agréable qu'il n'y paraissait, il débouche sur un calcaire sculpté qui dénote bien avec celui de la veille dans Cistus Albidus, un peu plus grossier. Pour mettre toutes les chances de notre côté, ne pas être contraint, par manque de temps, d'utiliser les deux échappatoires possibles pour sortir de la voie, nous enchaînons les premières longueurs à un bon rythme avec l'empressement de découvrir quelles difficultés nous attendent dans les longueurs en 6c orangé. Cette voie est un délice. Un calcaire orangé et gris sculpté dans la 1e partie avant d'atteindre la grande vire qui coupe la paroi et permet d'accéder à pied depuis le sommet au pilier des vautours. Nous découvrons qu'une cordée espagnole nous précède. Ils ne sont venus grimper uniquement que la deuxième partie de la voie, à partir de la vire. Le calcaire de cette deuxième partie est différent de la première, mais tout aussi agréable à grimper. La dalle est rayée par d'innombrables longues stries parrallèles entre 1 et 15cm de profondeur. Leur présence nous oblige à chercher les prises dans ces fissures horizontales particulières plutôt qu'en relief sur la dalle, et ceci de manière tellement systématique sur 300m que ça en devient très atypique. Nous rejoingnons la cordée espagnole un peu avant la sortie de la voie; idéal pour faire connaissance au relais et pratiquer l'espagnol sans nous gêner dans notre rythme d'ascension. Nous sortons manger au sommet vers 15h.

Nous retournons à notre spot ensoleillé de fin d'après-midi où nous prenons acte de notre évolution, de nos sensations pendant ces deux jours avant de partager nos aspirations pour le dernier jour. Nous nous accordons pour "aller crescendo" dans le niveau de difficulté sur ces trois jours en projetant une ascension plus courte mais plus difficile en niveau d'escalade : Femme fatale, 260m, 7b, 6b obl, 7 longueurs.

Nous changeons de parking pour bivouaquer au nord de la paroi, emprunter la piste qui monte au sommet et descendre ensuite par la Feixa dels Esparrecs jusqu'au Pilsatra dels voltors. En arrivant au pied de la voie, on se rend compte de l'ambiance qui règne autour de ce pilier dont l'accès au sommet est protégé par de beaux dévers oranges. L'escalade nous parait différente des jours précédents. Nous nous faufilons de trous en trous dont les mains épousent agréablement les formes dans les premières longueurs, chacune un peu traversante. Puis le diamètre de ces trous diminue brutalement au pied de la longeur en 7b (ou 7a+ suivant les topos). Celle-ci offrant des mouvements vraiment intéressants, aura posé beaucoup plus de problèmes au 1er qu'au second. Un sac de hissage et des nuits plus réparatrices auraient fluidifiés sont avancée; peut-être aussi tout simplement un meilleur niveau. La deuxième longueur en 7, d'un style bien différent, nécessite une résistance des bras et des mouvements athlétiques pour venir à bout de la longueur. Le bras gauche forcera beaucoup plus que le bras droit dans la section en dévers. Enfin, une longueur en V ne doit pas être sous-estimée, puisqu'on a le choix entre un dièdre sale et une dalle expo. Nous choisirons le dièdre sale en testant rigoureusement chaque prise de manière à évaluer sa cohésion avec le reste de la paroi sans faire tomber de morceau sur le compagnon. On repart du sommet vers 16h30 en écourtant la pause pour honorer un rendez-vous de fin de journée. Une magnifique voie pour clôturer un séjour en plein soleil, avec juste un brin d'air et un caratère aventureux de l'équipement qui n'attire pas les foules et par là même, assure la tranquilité des prétendants.

 

Pilastra dels voltors en début de journée

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Calcaire strié horizontalement, deuxième partie d'El Desliz

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Vue magique sur la paroi de Catalogne, objet d'un prochain séjour.

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Cistus Albidus

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