La ruta de las Golondrinas

(Le chemin des Hirondelles)

Sortie randonnée du C.A.F. Toulouse du 10 au 15 octobre 2024, encadrée par Jacques Jougla

            Nous étions 8 participants pour ce périple de 5 jours de randonnée, se déroulant à cheval sur la Navarre, le Béarn et l’Aragon : Jacques, l’organisateur et encadrant du groupe secondé par Marie-Hélène, ainsi qu’Annick, Bénédicte, Carole, Florence, Alex et Eric.

            Le thème de cette sortie était l’histoire des « Golondrinas » (les Hirondelles), ces jeunes femmes originaires principalement des vallées d’Anso, de Roncal et de Salazar en Navarre, qui au début du 20^ème siècle partaient travailler dans les usines d’espadrilles de Mauléon alors florissantes, en traversant les Pyrénées.

Leur affectueux surnom venait du fait qu’elles se regroupaient à l’automne dans le village d’Isaba au nord de la vallée de Roncal. Elles partaient alors pour un périple de 3 à 4 jours, remontant la vallée de Belagua pour franchir la frontière au col d’Arrakogoiti avant de redescendre sur le versant français vers les gorges de Kakueta et arriver à St Engrace où elles étaient prises en charge par un guide local jusqu’à Mauléon.

Après tout un hiver à découper et coudre des espadrilles, le printemps revenu elles parcourraient le chemin en sens inverse pour rentrer dans leur famille, chargées des marchandises que leurs maigres salaires leur avaient permis d’acheter en France, tout en évitant les patrouilles de douaniers dont les taxes réprimaient ce commerce illicite.

De nos jours c’est tout un parcours avec ses différentes variantes, d’une durée de 3 à 5 jours, qui a été mis en valeur pour rappeler ce petit morceau d’histoire. Il déroule ses cheminements un peu plus à l’est que leur trajet initial, dans cette magnifique région karstique au sud du Pic d’Anie.

            C’est donc avides de grands espaces et d’histoire locale que nous nous retrouvons ce jeudi 10 octobre sur le parking de Paul Sabatier pour le traditionnel départ groupé à 6h30.

A partir d’Oloron-Sainte-Marie la route vers le col de la Pierre-Saint-Martin nous dévoile toute la violence de la tempête qui a soufflé la nuit précédente sur cette partie des Pyrénées, avec son lot d’arbres déracinés, de branches cassées et de pierres tombées sur la route.

Le passage de la frontière se déroule dans les nuages et sous une pluie fine mais à ce moment-là nous nous disons tous qu’en général il fait toujours meilleur sur le versant espagnol. Et comme à toute règle il faut des exceptions, c’est avec une météo encore bien médiocre que nous nous garons à l’entrée du gros bourg d’Isaba. Décidément comme le dit le vieil adage, les hirondelles ne font pas le printemps !

Après concertation nous décidons de modifier un peu le programme, Jacques ayant prévu un plan B. Nous effectuons une boucle en forêt au-dessus du village, agrémentée d’un pique-nique en bord de torrent et de la visite de la cascade de Belabarce, puis de retour aux véhicules nous remontons les garer au refuge de Belagua qui sera le nouveau départ de notre parcours.

A cette époque de l’année nous pouvons profiter pleinement du calme de ce refuge espagnol, d’autant plus que le temps s’est bien amélioré au fil de l’après-midi nous laissant espérer un beau lendemain.

Effectivement vendredi matin le départ aux aurores se déroule dans une toute autre ambiance, avec un lever de jour sous un ciel clair et sur des pelouses blanchies par la gelée nocturne.

Les prairies laissent place peu à peu aux sous-bois qui eux-mêmes laissent de plus en plus apparaitre les formations calcaires qui caractérisent la réserve naturelle de Larra.

Le lever du soleil, éclaboussant d’orange les hêtres qui commencent à se parer des couleurs d’automne est un ravissement pour nos yeux.

Le parcours devient de plus en plus minéral, fait de petits canyons qui serpentent entre épines calcaires et dolines de toutes tailles.

           Nous prenons notre repas au col d’Annaye (ou de l’insole) où le panorama est superbe, avant de plonger dans le somptueux cirque calcaire de Lescun.

Le sentier nous fait passer au pied de la formidable face sud-est de cette forteresse que représente le Pic d’Anie, avant de dévaler en longeant le Billare vers les vertes prairies peuplées de vaches du plateau de Sanchèse.

Un enchainement de pistes forestières et de petites routes nous amène au gîte du camping du Lauzart à Lescun, terme de notre belle étape.

Le jour qui tombe nous offre de très jolies vues sur le cirque et les hautes parois qui l’encercle.

            La météo étant réglée en mode yoyo, la matinée du samedi débute sous les gouttes de pluie. Loin de nous décourager nous partons parcourir les crêtes au-dessus du village de Lescun, pour tenter de nous rapprocher des Orgues de Camplong, formidable muraille de falaise calcaires qui ferme le cirque au nord.

L’après-midi avec une météo qui s’est améliorée, le retour vers le village nous permet de nous arrêter dans une ferme pour discuter avec une éleveuse de brebis et de chèvres et productrice de fromage pour un échange très instructif, et de ramener dans nos sacs quelques spécialités que nous dégustons lors du repas du soir.

            Le lendemain dimanche c’est à nouveau une magnifique journée automnale qui s’annonce, et nous quittons le gite au lever du jour pour la 4^ème étape qui s’annonce prometteuse, sous les consignes avisées de Bénédicte et de Florence qui ont l’occasion de mettre en application leur tout récent stage de cartographie.

Elles nous mènent sans hésitation au pied des aiguilles d’Ansabère et en chemin nous assistons de nos yeux ébahis au sublime spectacle des sommets des grands pis calcaires qui s’embrasent au soleil levant.

Pour repasser en Espagne nous préférons à l’itinéraire plus connu du col de Pétragème, celui plus confidentiel du col d’Esqueste. Une fois passées les belles prairies entourant la cabane de Pédain, la pente se redresse, la pelouse disparait au profit de la caillasse et la fin de la montée au col est rude au milieu d’un éboulis. Mais nous sommes vite récompensés de nos efforts par la vue sur le cirque qui s’élargit peu à peu à nos pieds.

Nous avons quitté la Navarre deux jours plus tôt, au passage du col nous entrons en Aragon. L’itinéraire qui passe entre la Table de 3 Rois et le Grand Pic d’Ansabère est toujours aussi sublime mais aussi un peu différent quant à la morphologie du relief et la couleur du calcaire.

Puis de manière plus nette qu’à l’aller nous sortons d’un paysage karstique fait de petits canyons et de dolines pour passer aux vastes prairies d’estive.

C’est avec bonheur que nous arrivons au refuge de Linza en fin d’étape, non sans une pensée admirative pour ces jeunes femmes qui plus d’un siècle plus tôt, parcouraient ces mêmes paysages, mais le faisaient contrairement à nous sans balisage pour les guider et sans équipement particulier pour les protéger du froid et des intempéries.

Nous assistons en prime au spectacle d’un énorme troupeau de plus de 3600 brebis descendant des prairies d’été et qui va passer la nuit parqué devant le refuge.

Les traces laissées sur nos corps par cette longue étape sont bien vite effacées par une bonne douche chaude, un bon repas et une douce nuit.

            Le lendemain, lundi et dernier jour de notre périple, la météo est encore clémente avec des températures bien douces.

La dernière étape à venir diffère de celle du programme initial car nous devons rejoindre directement le refuge Belagua où nous avons laissé nos véhicules.

La carte ne montre pas vraiment de chemin permettant de rejoindre le GR 12 qui passe dans la vallée plus au nord. Après concertation avec la gardienne du refuge nous optons pour un itinéraire qui débute en forêt, puis se poursuit sur une longue crête montant à la Paquiza Linzola, qui nous offre une fois de plus de magnifiques vues sur toute la région et les massifs environnants.

La descente du sommet, hors sentier et à travers les blocs calcaires, réclame notre attention. Une fois le GR 12 atteint il ne nous reste plus qu’à dérouler le sentier, toujours dans des paysages très variés, jusqu’au refuge Belagua, but ultime de notre tour.

            Afin de ne pas casser brutalement cette très belle ambiance qui a accompagné notre randonnée tout au long de ces 5 jours, nous redescendons à Isaba en fin de journée où nous avons réservé une table dans un restaurant. Nous apprécions les derniers moments de cette échappée belle autour d’un bon repas, avant d’aller passer notre dernière nuit commune dans une charmante auberge de jeunesse à Urzainqui, un petit village un peu plus bas dans la vallée.

            Le mardi matin ce n’est pas sans un brin de nostalgie que nous quittons cette belle région pour rentrer à Toulouse et reprendre le cours de nos vies respectives, mais c’est aussi avec l’immense plaisir d’avoir pu concilier notre amour des grands espaces naturels et la découverte d’un petit pan méconnu de l’histoire de ces belles montagnes pyrénéennes.

            Un grand merci à Jacques et Marie-Hélène pour avoir concocté le programme de cette sortie, et à tous les participants qui ont illuminé encore un peu plus ces 5 jours de bonheur avec leurs sourires, leur bonne humeur et leur gentillesse.

Eric                        les photos ic :       https://photos.app.goo.gl/ivgZwnREf79UzKi2A      et                https://photos.app.goo.gl/YTTYojc3L16gR5D56