ça faisait des années que je rêvais d'effectuer cet aller-retour, dans la tradition des longs, très longs itinéraires parcourus par nos anciens, qui n'avaient de toute façon souvent pas d'autre moyen de locomotion que leurs pieds...
Erwann, Jean-Christian et moi montons à l'Hospice de France samedi 20 dans la soirée ; la route principale étant fermée "administrativement", nous ne prenons pas le risque de l'emprunter ; nous prenons donc l'ancienne route, jusqu'à la barrière vers 110 m environ. Puis à pieds, 40 mn.
Il faut savoir que l'Hospice est ouvert pratiquement toute l'année ; l'accueil d'Ingrid et Yohan vaut non seulement le détour, mais le déplacement ! On mange bien, et on dort bien à l'Hospice !
Nous monterons demain jusqu'au pas de l'Escalette, avant de basculer en Espagne. J'ai exclu le passage par le port de Vénasque, ce vallon est un vrai coupe-gorge en hiver ! Bien que, avec l'enneigement exceptionnel de cet hiver, la pente de neige à gauche de la cascade est uniforme et "propre".
Partis à 5h15 dimanche, nous montons à pieds jusqu'au plateau du Campsaure avant de chausser les skis ; les frontales portent loin, mais la nuit est assez claire pour distinguer les grandes masses des montagnes. La première et principale question de sécurité, et donc d'itinéraire, concerne le passage à flanc du pic de Ribesautes : ceux qui l'ont emprunté en été savent que le sentier passe dans des pentes raides, et qu'il vaut mieux ne pas faire un pas de côté... Nous choisissons donc de faire le tour par l'est : c'est un peu plus long, mais c'est plus sûr. Néanmoins, on chemine en traversée dans de grandes pentes, il est impératif de ne pas tomber, la glissade serait longue et sévère...
Pas de la Mounjoye, le soleil est levé, nous progressons maintenant facilement, mais d'un pas alerte, vers le pas de l'Escalette. Nous y apercevons pour la première fois l'Aneto, mais aussi la descente vers le plat en dessous du pas : c'est enneigé, mais c'est raide et exposé. Nous dépeautons pour passer à skis. Une fois en bas, nous remettons les peaux pour monter au port de la Picade, vers 2480 m. De là, nous basculons versant sud, encore dans l'ombre, alors que les sommets qui nous dominent, pic de la Mine en tête, sont déjà bien éclairés : la neige fraîche tombée le vendredi nous donne une poudreuse très agréable à skier ! la pente se raidit un peu, mais ça permet de descendre rapidement ; vers 2150 m, nous traversons à main gauche, vers les lacquets de Villamuerta. Nous louvoyons au mieux entre les arbres et le micro-relief, remettons les peaux, et atteignons le plan d'Aiguallut ; après la séance de ski de fond, 1400 m de montée nous attendent jusqu'au sommet..
Une pause boisson-restauration rapide vers 2300 m, avant l'interminable montée vers le col de Corones.. la neige fraîche chasse sur le fond dur, la trace est "physique"..
Vers 2800 m, Jean-Christian et moi continuons et rejoignons bientôt la trace des randonneurs qui viennent de la Rencluse ; encore un ressaut , et nous laissons les skis au profit des crampons pour quelques dizaines de mètres jusqu'au "pas de Mahomet". Facilement franchi, il me permet, enfin, de réaliser la première partie du rêve, atteindre l'Aneto depuis l'Hospice de France ! Panorama XXL, beau temps, pas de vent, c'est vraiment le bon jour ! Déjà + 2700 m au compteur...
Retour aux skis : 1300 m jusqu'au plan d'Aiguallut, quelle descente ! avec une pause picnic quand même... Quelle option pour le plan d'Aigualllut ? peaux ou skating ? ça glisse bien, ce sera skating, y compris pour les légères remontées avant et après le trou du Toro, il faut des bras... Retour en forêt, et repeautage, c'est reparti pour 600 m... La trace est là aussi physique, mais à cause de la neige ramollie, il faut taper les skis à chaque pas pour éviter de glisser... Heureusement, les températures ne sont pas trop élevées, pas de risque de coulée dans la partie la plus raide. A nouveau le port de la Picade : une courte descente, et le pas de l'Escalette à remonter : Erwann choisit l'option "à pieds", par la crête rocheuse, JC et moi passons à skis, à flanc, jusqu'à la dernière pente.
De là-haut, j'hésite un petit moment à descendre par le vallon de la Frêche, plus direct, mais le relief escarpé ne me plaît pas pour y passer cet après-midi : nous ferons bien, la vision que nous en aurons d'ici peu sera assez cahotique...
La neige est encore très bonne dans la descente vers le pas de la Mounjoye, et jusqu'au versant ouest du pic de Ribesautes : nous avons choisi de passer plus directement, et ne regrettons pas de ne pas l'avoir fait ce matin : ça a coulé, c'est raide et expo, ça n'aurait pas été rassurant de nuit...
Nous chaussons les skis une dernière fois pour rejoindre le sentier qui nous permet ensuite de descendre à pieds à l'Hospice : 17h15, et + 3500 m de dénivelé positif aujourd'hui ! Malgré cela, nous ne sommes pas "chiffon-carpette", bien que nous ressentions l'effort accompli.. Une raffraîchissement bien mérité, et nous rejoignons la voiture, les yeux encore remplis des paysages grandioses et variés admirés depuis ce matin...
Une bonne nuit de sommeil, et je repars en montagne demain lundi, pour un périple tout aussi beau, mais avec moins de dénivelé...