Dans la saga des tours de montagnes emblématiques, il y a en a de prestigieux, parfois lointains comme le Tour des Annapurna, ou de l’Alpamayo ou plus proches comme le Tour du Mont Blanc.
Il y en a des difficiles comme le Tour de la Meije, des discrets comme le Tour du Viso ou du mont Tabor…
Dans les Pyrénées, on connait surtout le tour de l’Ossau ou, plus confidentiel et plus dur, le tour de Gavarnie (3 jours en ski de rando) ou du Vignemale (très sauvage).
Je vous propose d’ajouter à cette liste, très personnelle, un nouveau tour qui vaut son pesant de noix de muscades : le Tour de l’Arbizon.
C’est simple : on part d’Aulon (1200 m) et on arrive 27 km plus loin et 2 050 m de déniv positif et surtout 2500 m de descente dans les jambes à … Ancizan (ou Guchen) voire sur la route d’Aulon (au choix).
Pourquoi ce tour est-il…attachant ?..
Parceque l’on part d’un village et on arrive à un village
Parceque l’on part versant Est puis on grimpe versant Sud, pour redescendre versant Nord puis remonter versant Ouest pour redescendre versant Est
Parceque l’on démarre de la vallée d’Aulon qui coule vers la Neste puis la Garonne et que l’on descend vers Payolle où coule l’Adour qui se jette directement dans l’Atlantique, pour revenir vers les 4 Vésiaux et la vallée d’Aure
Parcequ’il n’y a pratiquement personne et que si on coupe un peu au raz des pentes de l’Arbizon, on ne voit vraiment personne….
Parceque c’est un tour complet avec un beau sommet à la clef (le Monfaucon et ses 2712 m), du ski de pente un peu raide, du ski facile, du ski en foret, du ski en croupe….
Parcequ’il y a versant Camoudiet des éclairages splendides et rares avec, comme décor, le Pic du Midi qui se détache sur l’horizon et le massif de l’Arbizon qui porte sans cesse, sur nous, un regard sévère.
Bref, allez-y faire… un tour et vous verrez, c’est un formidable tour….dès lors qu’il y a assez de neige pour réduire la navette qui est de quelques kilomètres seulement.
Pour tout vous dire, la veille au soir, avant de constituer les groupes, je n’avais pas aussi bien « vendu » la « course » à mes comparses…mais nous avons quand même été près de 11 à nous embarquer dans cette aventure, rejoint pour l’occasion par Cécile Claudel qui passait ses vacances en famille à Saint-Lary.
Pour ce mercredi matin, départ un peu plus matinal afin de démarrer d’Aulon avant 9 h. La journée promettait d’être longue et des nuages élevés étaient annoncés pour la mi-journée.
Nous nous garons dans la côte à l’entrée du village (Stéphane se gare m^me devant l’entrée de la Mairie ce qui lui vaudra une « avertissement ») Nous prenons le chemin supérieur qui nous mênera directement aux granges de Lurgues, juste au moment où le soleil matinal vient réchauffer les grandes baies vitrées des fermes aménagées.
Tout le monde marche d’un bon pas. C’est le 4 ème jour du camp et la forme du groupe va crescendo.
Nous traversons le hammeau, croisons les vestiges de belles coulées de neige lourdes puis arrivons à la cabane d’Espigous où les choses sérieuses commencent.
La montée devient en effet relevée, sur une pente durcie par le regel qui n’impose pas encore les couteaux et qui permet une progression rapide.
Le soleil est bien présent sur cet itinéraire face Sud même si des nuages lenticulaires commencent à apparaitre.
Nous progressons ainsi jusqu’à la Fontaine de Coulariot où un véritable mur se dresse devant nous, défendant l’accès à la porte de la Paloume. Il nous faut dès lors chausser nos couteaux, retirer les cales et passer en marquant bien le pas.
Je teste au préalable la pente qui semble vouloir tenir… mais , ne chatouillons pas trop les moustaches du tigre. Nous passerons les uns après les autres avec un espacement conséquent.
Je chausse même mes crampons pour assurer une parade en cas de dévissage car, même si on ne se ferait pas trop mal, une glissade enverrai l’infortuné au point de départ, c’est à dire au peid de la fontaine de Coulariot quelques 20 mn plus bas..
Passer cet obstacle, la porte de la Paloume nous tend les bras… mais nous n’irons pas.
En effet, nous préférerons passer par une épaule un peu plus haut à 2630 m pour redescendre ensuite vers le Camoudiet.
Tout le monde suit d’un bon pas dans cette dernière pente raide est encore durcie par le regel nocture.
Arrivé au col, un vent violent du Sud nous accueille mais, quelques mètres plus loin, versant nord, plus un souffle.
Deux d’entre nous resteront sur les rochers au soleil et à l’abri pendant que nous rajouterons à notre tableau de chasse le sommet du Monfaucon, 100 m au dessus .
Le vent y est toujours aussi fort mais nous y résisterons un peu pour profiter du panorama et passer un petit moment de communion ensemble. On a déjà plus de 1500 m dans les jambes et ce sommet, surtout par son versant sud ne se laisse pas si facilement gravir.
Nous rangeons vite nos peaux pour rejoindre en 10 virages sur une neige dure et rugueuse nos deux comparses.
On mange, on papote puis il faut basculer versant Adour.
Je me lance insouciant quand, aîe, aîe aîe……., de la vitre !
Mes carres mordent à peine. J’arrive à me stabiliser et m’arrêter sur une plaque de neige un peu plus rugueuse.
Je fais venir prudemment le reste du groupe en débusquant du regard quelques veines plus propice au dérapage voire au virage..
Karine, prudente, préférera déchausser, mettre les crampons et descendre à pied, ce qui constitue souvent une solution assez rapide et surtout relativement sûre.
Au-dessous, fort heureusement, la neige devient beaucoup plus skiable. Il y a néanmoins une petite croute durcie par le vent. Karine qui vient juste de rechausser fait une très mauvaise chute. Rien de bien grave mais elle a une grosse douleur au genoux. Une torsion, un coup ?
Au bout d’un petit moment et encouragé par notre médecin qui n’a pas chômé cette semaine, elle est à nouveau debout. Tout le monde y va de son petit conseil. A elle de faire le tri.
La neige devient meilleure et on peut s’autoriser quelques runs de godille mais Karine préfère… éviter les virages et…même les conversions.
Je la prend en charge et nous faisons tous les deux en solo des traversées interminables à bonne vitesse qui nous font visiter tout le massif.
Nous finirons ainsi aux granges du Camoudiet où nous retrouverons la route et le reste du groupe.
La douleur de Karine s’est estompée et elle peut rejoindre la hourquette d’Ancizan à ski puis descendre tranquillement par la route, sans faire de virages ni risquer de se faire plus mal encore.
Stéphane et Cyril l’accompagneront tandis que je mènerai le reste du groupe au plagnot de soubirous.
Durant cette longue remontée, nous aurons la chance de profiter d’une très belle lumière distillée à travers des nuages filant vers le Nord ouest.
Sûr de pouvoir rallier les hourquettes et ainsi boucler ce tour, il y avait comme un parfum d’apothéose. Le mot est un peu fort mais la lumière, les ressources que nous trouvions facilement pour remonter ces pentes baignées dans une lumière orangée et la bonne entente du groupe nous transportaient.
Ainsi, arrivé au plagnot de Soubirous, quand j’annonçai à mes compagnons que plusieurs d’entre eux venait d’intégrer le groupe des randonneurs ayant parcouru plus de 2 000 m de déniv. dans la journée, ils étaient tout surpris de leur fraicheur et de leur capacité à pouvoir encore arpenter plusieurs centaines de mètre de cette montagne….
Encore un petit ravitaillement et nous choisissons de descendre directement dans le val d’Ancizan malgré de probables menaces de coulées par reptation.
A cet endroit, un autre itinéraire est possible. Il consiste à longer la large crête qui file Nord-est et qui ne représente quasiment aucun danger en terme de coulée jusqu’à rejoindre « La croix de fer », site déjà décrit dans le périple de Ramon de Carbonnière en 1787 dans ses Carnets.
Il faut ensuite suivre le chemin historique qui ramène au Roc de l’An Mil , à Pichaloup puis descend par une piste étroite vers le val d’Ancizan.
Cet itinéraire nous aurait néanmoins privé de l’observation d’un vallon pour partie « ravagé » par des coulées de neige lourde avec des « gueules de baleine » et des parties où tout le manteau a glissé au fond du vallon jusqu’au sol laissant apparaitre le gyspet, cette herbe longue et cireuses que les brebis de broutent plus.
Heureusement, l’ombre ayant repris ses droits depuis pas mal de temps, tout semblait figé, saisi par la fraicheur de cette fin d’après midi qui regagnait les pentes.
Prudent, nous sommes quand même passé, le pied léger, les uns après les autres soucieux de ne pas provoquer le réveil de la montagne.
La descente dans le val fut presque une formalité sauf que de nombreux arbres ployaient sous la neige , nous empêchant de skier à notre guise sur les chemins.
Quelques passages furent particulièrement acrobatiques soit en passant sous la ramure soit en passant.. au-dessus.
Pour les premiers, ca va, mais pour les derniers, il n’y a plus guerre de neige et il faut faire preuve d’imagination.
Encore quelques virages et nous voilà sur la route que nous allons suivre jusqu’à Ancizan.
Un cheminement de raquetteur nous offrira même une formidable piste déjà regelée où nous allons pouvoir lâcher les freins….
Nous ne tarderons pas à arriver à la bifurcation de la route entre Guchen et Ancizan puis en haut du village lui même en suivant les bord de la route.
Cinq minutes après, nous étions sous la douche chaude.
Bref, un tour vraiment grandiose, fondateur d’un esprit de groupe que nous ne sommes pas près d’oublier….
Vivement demain !
Les photos :
http://www.brunoserraz.fr/skialpinisme/Tourdelarbizon/index.html