Le 15 février 2011, Bruno Serraz, Président du Comité Régional des Clubs Alpins Français de Midi-Pyrénées et Vice-Président du CAF de Toulouse a adressé ce message à ses réseaux :
« Devant les questions que je reçois ici et là, il est temps de lever un peu plus le voile sur ce projet de « massacre » des vallées de la Géla (notamment la perspective de Barroude et la Hourmagerie) et surtout de la vallée de Saux.
Commençons tout d’abord par les équipements et le « front de neige » à l’entrée nord de Bielsa.
Vous observerez que la route est détournée pour laisser « place » à la construction de 3 immenses parkings pouvant accueillir au total 500 véhicules venant d’Espagne.
Pourquoi venant d’Espagne ???
Parce que l’aménageur craint que ce parking soit occupé par les « français » (il est plus proche de 4 minutes de celui de la station de Piau).
Les bureaux d’étude préconisent donc de le rendre PAYANT, et à un montant dissuasif pour les français afin qu’ils ne viennent pas s’y garer (p.19 de l’étude de faisabilité).
400 m2 de locaux techniques et 1500 m2 de locaux commerciaux sont également prévus.
Ce ne sont pas de simples cabanons mais bien des bâtiments imposants.
En allant vers Piau, les remontées et pistes seraient les suivantes :
On remarque immédiatement qu’une ROUTE CARROSSABLE serait construite pour installer les équipements mais aussi ravitailler un restaurant panoramique d’altitude qui serait susceptible de fonctionner en hiver mais aussi pendant les vacances d’été.
Cette route massacrerait les alpages du vallon de l’Aiguillette qui ne pourraient plus servir d’aire pastorale en été pendant au moins 10 ans.
La remontée mécanique serait un télésiège débrayable de 6 places.
Des canons à neige seraient installés.
L’essentiel du domaine serait une piste bleue. Une piste noire de 250 m de dénivelé est tracée, essentiellement pour « amuser » la galerie, car elle est en face sud et souvent impraticable en raison du manque de neige et de la présence de blocs et de rochers.
Ensuite, ce projet s’attaque à la vallée de la Géla et plus particulièrement aux alpages de la Hourmagerie
Un nouveau télésiège 4 ou 6 places débrayable y serait construit avec un dénivelé de 400 m seulement. 3 pistes bleues seraient tracées à grand renfort de bulldozer pour en faire des boulevards skiables même avec peu de neige.
Des canons à neige sont prévus, alimentés par un lac de 40 000 m3 (!!!) placé tout près de la hourquette des Aiguillettes (un lac sur une crête en quelque sorte).
On peut s’interroger sur son alimentation d’autant qu’il servirait également à l’approvisionnement du restaurant d’altitude.
3 petites pistes rouges de quelques centaines de mètres seraient tracées pour rendre ce projet de station présentable et afficher un léger intérêt sportif sur les dépliants.
Vous observerez que la route continue son tracé au milieu des alpages, condamnant le pastoralisme dans ce secteur.
Les limites du Parc national apparaissent en vert. Elles sont tout près.
Et le spectacle de « vitriolisation » de la montagne continue jusqu’à Piau :
Un téléporté, probablement un télécabine serait construit pour permettre la jonction de cette nouvelle station avec Piau.
7 immenses pylônes seraient accrochés à la montagne, défigurant la perspective de la muraille de Baroude…
Oui, quand vous remonterez la vallée de la Géla depuis la chapelle des templiers, pendant une heure, la vue sur la muraille de Baroude sera défigurée par les pylônes et les câbles de cette remontée mécanique…
Un vrai massacre visuel !!! d’un site classé « patrimoine mondial de l’Unesco ».
Il s’agit d’un label que l’Unesco peut nous retirer et que l’UNESCO NOUS RETIRERA à coup sûr ! (on a déjà failli le perdre à cause de l’exploitation touristique de cette zone par la commune de Gavarnie).
Vous observerez qu’aucune piste ne descend de Piau car… il y a des falaises et il faut une corde pour les franchir.
Peut-être y-a t-il un couple de gypaètes dans ces falaises ?????? ce qui condamnerait cette aberration.
Voilà pour le volet équipement qui a été estimé à 53 millions d’euros hors taxes entièrement financé… par le gouvernement d’Aragon et la société ARAMON (sauf les parkings construits par le Conseil Général).
Le gain en domaine skiable serait de l’ordre de 10 km (65 à Piau actuellement).
Dès la première année d’exploitation, le prix du forfait à Piau augmentera de 5 euros soit 17 % d’augmentation puis, 1 à 2 euros par an (3 à 6 % d’augmentation) et ce pendant… 7 ans.
Malgré cette envolée qui fera de Piau l’une des stations ou LA station la plus chère des Pyrénées françaises, des pertes d’exploitation sont déjà prévues sur le modèle économique pour les trois premières années…
Pour équilibrer le modèle économique, ce projet doit attirer au minimum 130 000 journées skieurs supplémentaires (essentiellement des espagnols).
Pour mémoire, en 2009, Piau a plafonné à 265 000 journées skieurs.
La prévision de 400 000 journées skieurs en 2017 est tout bonnement utopiste afin de rassurer les pouvoir publics (Conseil Régional, préfet, ministère). Il est fort probable qu’avec un forfait à 35-37 euros en 2012 ou 2013, beaucoup de français se détourneront de cette destination. Il y a d’autres stations en Vallée d’Aure.
Reste… l’emploi, argument « majeur » en temps de crise.
Selon les modes d’organisation, entre 19 et 25 créations de postes sont prévues lors de la construction de cette station. (source : étude d’opportunité et de faisabilité réalisée par le cabinet Contours)
Mais, arrêtons-nous un instant :
Financement 100 % espagnol (le gouvernement d’Aragon et ses sociétés mixtes)
+
Employeur espagnol (la société ARAMON)
+
Parking réservé aux espagnols donc clientèle à 95 % espagnole, côté Bielsa
=
EMPLOIS ESPAGNOLS même avec un contrat de travail de droit français.
Ainsi, ce projet massacre deux vallées françaises pour satisfaire une riche clientèle espagnole et générer des retombées économiques presque exclusivement dans la vallée de Bielsa… mais les pertes seront bien, en définitives épongées par le Conseil Général des Hautes-Pyrénées et le contribuable français.
Les bases d’une grande station reliée à Piau
Tout d’abord, ils évoquent officiellement, une « extension de la station de Piau » ce qui parait, de loin, assez anodin et inoffensif.
En fait, il s’agit bel et bien de la création d’une nouvelle station de ski et la différence sémantique est tout, sauf anodine.
Et qui parle de création de cette nouvelle station : les porteurs du projet eux-mêmes qui, dans leur enthousiasme, se laissent à rêver à un équipement de toute la montagne de la Géla (hors Parc) et de la Vallée de Saux.
Ainsi, Josette Durieux, présidente du Conseil Général, déclarait en 2008 lors de sa conférence de presse de rentrée, juste après avoir visité le site en escarpins et hélicoptère :
« construire, à partir du tunnel, des remontées mécaniques, sur 3 km, jusqu’à Piau-Engaly », cette nouvelle station
« s’accrochant à l’autre » (source 1)
Plus récemment, lors d’une interview récente, à la Radio RFM, le maire d’Aragnouet, Jean Mouniq déclarait dixit :
« un projet qui permet d’unir deux stations et qui permet de réaliser là, pour une grande station qui va faire venir beaucoup plus d’espagnols parce que gérée par eux, par le bras armé du gouvernement d’Aragon, la société
Aramon… »
Plus loin, il reconnait qu «‘il perd des clients français » et que ce projet « va permettre de recueillir ailleurs une nouvelle clientèle »…
Bref, il s’agit bien de créer une « nouvelle station », la dernière en France, Puyvalador ayant été créée il y a plus de 30 ans.
Cette nouvelle station sera comme le dit Jean Moniq « gérée par le bras armé du gouvernement d’Aragon, la société
Aramon » (cela en dit long sur leur méthode comme on a pu le voir à
Formigal.
Là encore, arrêtons-nous un instant;
Aramon, c’est le groupe des grandes stations espagnoles (Cerler 130 km de pistes, Formigual 76 km de pistes, 200 km en projet) qui base sa politique sur le développement extensif des domaines skiables qui doivent comporter 100 km de pistes minimum pour attirer une clientèle internationale et aisée. (sources 3, 4, 5)
Alors, qui va croire un seul instant qu’
Aramon va se contenter de 2 télésièges et 10 km de pistes (la télécabine ne servant que de liaison avec la station Piau gérée par ailleurs par un concurrent : N’PY) ?
Qui peut croire une seule seconde qu’
Aramon, une fois implantée en France, ne mettra pas en œuvre tous ses leviers d’influence (lobbies) pour obtenir de la Commune d’
Aragnouet et du Préfet de Région le droit d’équiper toute la montagne de Saux et peut-être même le vallon de
Catchet ?
Qui peut affirmer qu’il n’en sera jamais ainsi dans trois ou cinq ans ?
Par contre, nous savons une chose :
Aramon ne vient pas en France pour jouer à la « dinette ».
En effet, à l’observation des déclarations enthousiastes des porteurs de projet, on pressent que ces aménagements ne sont que les prémices, le cheval de Troie d’un projet bien plus ample :
Le business-plan réalisé par le
cabinet Contours parle page 19 d’une station à terme comparable à Baqueira (qui a 110 km de pistes), rien de moins.
Sachant que Piau en compte actuellement 65, on évoque ainsi 35 km de pistes… ici ou là… alors que le projet déposé en préfecture n’inclut que 10 km effectifs. Ce n’est pas moi qui l’écrit mais le Préfet des Hautes-Pyrénées dans un courrier du 7 février 2011.
Mais où sont donc les 25 km manquants ???
Bref, ne soyons pas naïfs, derrière cet aménagement déguisé sous le terme « extension », c’est bien une grande station qui est en train de naître et qui va priver les montagnards, les promeneurs mais aussi les bergers et éleveurs d’une partie de la vallée de la Géla mais aussi, à terme de toute la montagne de la vallée de Saux à savoir, tout
Bataillance, le port de Bielsa, les pentes sous le pic de Marioulle.
Vous en doutez, vous souhaitez des preuves ?… nous n’en avons pas mais nous avons des présomptions particulièrement troublantes avec notamment le plan de classement des zones
Natura 2000 consultable ici qui rend quasiment impossible toute implantation de nouvelle station de ski.
Un « massacre » prémédité de longue date
Vous observerez que la totalité de la zone frontière allant de l’Océan jusqu’au Val d’Aran soit plusieurs centaines de kilomètres est protégée soit par le Parc National, soit par un classement
Natura 2000.
SAUF...
la partie est de la vallée de la Géla et la vallée de Saux dans son ensemble.
C’est à peine croyable !!!
Vérifiez vous-mêmes ! (sources 6 et 7)
En fait, lors de la désignation des zones
Natura 2000, le Maire d’
Aragnouet s’était bizarrement opposé à tout classement de ce secteur, dont il assure la gestion administrative.
La commune d’
Aragnouet va probablement nier cette analyse en avançant qu’elle propose le classement d’une partie de la vallée de Saux en « compensation des effets résiduels » de cet aménagement.
Effectivement, dans le dossier de demande d’autorisation de création d’une unité touristique nouvelle (a), page 209, cela apparaît… au milieu d’étonnantes formulations. Ainsi, le porteur de projet (le maire d’
Aragnouet) écrit : « un certain nombre de mesures peut être avancé »….. »la commune d’
Aragnouet serait disposée à s’investir dans une démarche active pour…… étendre vers l’ouest (le) site
Natura 2000 Rieumajou Moudang en incluant le secteur
Bataillence Catchet »….
« …peuvent être avancées »…, « serait disposée à s’investir dans une démarche »… Que de précautions oratoires, en l’occurrence rédactionnelles.
Finalement, il n’y a là que de vagues propositions, qui n’engagent que ceux qui y croient…
De plus, ces propositions ne sont que la parole d’un maire qui pourrait être remise en cause par un autre… lors du prochain mandat municipal.
Bref, le « massacre » des vallées de la Géla et de Saux apparait bel et bien prémédité…
Les mots sont forts… mais ils sont à la hauteur des enjeux environnementaux…
48 espèces animales protégées… menacées par cette station
En effet, sur la zone d’étude qui déborde de peu l’emprise du projet, on a recensé non pas UNE mais… 48 espèces animales protégées au niveau national (voire international), 48 espèces menacées par les câbles des remontées mécaniques, les terrassements des pistes, la pollution de l’eau du fait des rejets et de la neige artificielle, la circulation de véhicule sur la piste, le bruit pendant le chantier et pendant l’hiver, etc, etc !
(voir chapitre 1, pages 69 à 89 de l’
UTN bientôt consultable en mairie d’
Aragnouet et en préfecture de Tarbes).
En matière de flore, 367 espèces ont été recensées dont 2 protégées au niveau national.
Un dossier qui fera « jurisprudence »
Ainsi, si ce dossier est accepté en Comité de Massif le 16 juin prochain (avis consultatif),
si le Préfet de Région valide ce projet,
si le Tribunal Administratif rejette les recours qui pourraient d’être déposés contre la création de cette nouvelle station,
alors,
de toutes parts, dans les Pyrénées, les projets de liaison, d’aménagement, de construction de sites « panoramiques » vont être déposés car, il y aura eu un précédent emblématique : la création de toutes pièces d’une station à quelques centaines de mètres d’un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco, sur une zone où volent aigles royaux et gypaètes barbus, ou barbotent le desman et l’euprocte des Pyrénées et où vivent 44 autres espèces hautement protégées au niveau national voire international.
Si ce projet se réalise, c’est un peu comme si la France, en 1914, avait perdu la bataille de la Marne.
Imaginez la suite…
Président du Comité Régional des Clubs Alpins Français de Midi-Pyrénées
Vice-Président du
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Sources :
(a) Denis Maubé, vice-président du Comité Régional est destinataire de cette
UTN en tant que membre du Comité de Massif
Master-plan du projet réalisé par les cabinets DCSA et Dianeige
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